“J’ai testé le jeûne !”

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Tendance populaire qui a pris de l’ampleur ces dernières années, le jeûne alimentaire ou “fasting” en anglais, reste pourtant controversé. Doug Sellman, un professeur de médecine néo-zélandais spécialisé dans la dépendance alimentaire, l’obésité et la gestion du poids, a testé par lui-même la privation de nourriture et témoigne ici des résultats de son expérience…

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Qui est Doug Sellman ?

Professeur de médecine et psychiatre, Doug Sellman est spécialisé dans le traitement de la toxicomanie depuis 1985. Il a été directeur du National Addiction Center, Christchurch School of Medicine & Health Sciences de 1996 à 2017 et enseigne depuis 2006 à l’Université d’Otago en Nouvelle-Zélande.

Il découvre le jeûne il y a 5 ans, à la fin d’une décennie de recherches sur l’addiction alimentaire, l’obésité et la perte de poids.

“Je considérais le jeûne comme un phénomène de mode”

“Je m’étais astreint à une semaine de jeûne lorsque j’étais étudiant en médecine, durant laquelle je n’avais bu que du jus de légumes et de fruits. Je me souviens m’être senti irritable, nerveux, léthargique et surtout perpétuellement affamé durant les quelques jours qu’a duré l’expérience… J’ai réalisé plus tard qu’on ne pouvait pas vraiment appelé cela un “jeûne” puisque les fruits et les légumes contiennent des calories.

La version pure du jeûne consiste à une privation totale de calories sur une période de temps donnée, au-delà du jeûne normal que nous faisons tous pendant notre nuit de sommeil. Il n’exclut pas de garder une certaine routine pendant cette période en maintenant par exemple le rituel du thé et du café…”

J’avais auparavant entendu parler de recherches attestant que le jeûne augmentait la longévité chez les rats. Je soupçonnais que le même phénomène pouvait s’appliquer aux humains même si je n’étais pas convaincu. Et puis je suis tombé par hasard sur une vidéo YouTube intitulée “Science of Fasting” et j’ai été étonné de découvrir qu’une série d’études sur les effets du jeûne chez les êtres humains, avaient déjà été publiées en Allemagne, en Russie et aux États-Unis des années en arrière. C’est après avoir lu ces différentes publications que j’ai décidé de me lancer. L’argument principal : le jeûne augmente le taux métabolique contrairement à la restriction alimentaire chronique qui le déprime.”

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Introduire le jeûne par étape

“J’y suis allé lentement en respectant une progression. Cette stratégie avait bien fonctionné pour moi il y a 20 ans,  j’avais réussi à perdre 16 kg de graisse indésirable en quatre ans pour retrouver mon poids d’étudiant.”

L’expérience a commencé par un jeûne de 12 heures, ce qui consiste à ne pas manger ni boire de boissons contenant des calories après le repas du soir jusqu’au petit-déjeuner du lendemain matin. Cela a été étonnamment difficile au début car j’ai dû rompre l’habitude psychologique du souper. Mais après environ 10 à 12 de ces mini-jeûnes, j’étais prêt à franchir une autre étape et à sauter le petit-déjeuner, prolongeant ainsi le jeûne à 16-18 heures avant de manger à l’heure du déjeuner.

Cette étape a été plus simple car les niveaux d’insuline sont bas à la fin d’un jeûne de 12 heures, et l’insuline est fortement liée à l’appétit, donc je n’avais pas faim le matin. Mais l’étape suivante, le jeûne de 24 heures, s’est à nouveau révélée difficile à tenir, du moins au début, probablement liée à l’habitude psychologique de déjeuner, mais aussi à l’initiation de la cétose lorsque le métabolisme passe de la combustion du glycogène à la combustion des graisses. On constate ce phénomène au bout de 18 à 20 heures de jeûne, une sorte de goût salé arrive alors dans la bouche. Encore une fois, après environ 10 à 12 mini-jeûne, j’étais à l’aise pour essayer les jeûnes de 36, 48 et 72 heures pour finalement terminer sur un jeûne de 5 jours tout en assurant une semaine de cours chargée à l’université.

Je me suis installé dans un schéma de jeûne de 16 heures par jour, avec un jeûne de 24 heures par semaine et un jeûne de 48 heures par mois.”

Briser l’attachement psychologique à l’alimentation

L’une des grandes expériences libératrices du jeûne régulier est de briser le fort attachement psychologique à l’alimentation. Le jeûne aide à réorienter la réflexion sur la nourriture en tant que nutrition plutôt que de manger par habitude ou de le considérer comme une activité récréative.

La plupart des gens considèrent le jeûne comme un moyen simple de perdre du poids. Pour ma part, je pense que j’aurais pu perdre mon surplus de 16 kg en deux fois moins de temps si j’avais essayé par le jeûne. Mais attention, c’est une pratique qui nécessite néanmoins de la persévérance et une alimentation saine entre les jeûnes pour permettre de maintenir une perte de poids durable.

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Le jeûne offre-t-il des avantages à ceux qui ont un poids optimal ?

Certes, le jeûne aide à maintenir un poids optimal, mais au-delà de ça, il permet de régénérer l’organisme même sur une période de 16 heures.

On dit que la réinitialisation des niveaux d’insuline est un excellent moyen de lutter contre le développement de la résistance à l’insuline, le précurseur du diabète de type 2. La stimulation du processus d’autophagie (« aspiration » métabolique), après environ 18 heures, ainsi qu’une diminution de l’inflammation permettraient de repousser une myriade d’autres maladies chroniques comme les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux, les cancers et la maladie d’Alzheimer. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour établir définitivement ces liens de prévention, mais je suis suffisamment convaincu par les preuves existantes pour m’engager dans le jeûne à partir de maintenant – le temps presse à 66 ans ! Et puis le jeûne est gratuit, simple et figure dans toutes les traditions de sagesse de l’humanité depuis la nuit des temps.

Il y a environ sept ou huit ans, j’ai développé une arythmie cardiaque. Mon médecin généraliste m’a assuré que c’était fréquent et bénin. Après environ trois mois de jeûne régulier, les anomalies du rythme avaient complètement disparu et ne sont jamais revenues. C’était peut-être une coïncidence, mais pour moi, l’association au jeûne a été convaincante.

Attention cependant, le jeûne ne convient pas à tout le monde. Il n’est pas recommandé aux personnes de moins de 20 ans, à celles ayant un IMC inférieur à 20, aux femmes enceintes ou qui allaitent. Et les personnes ayant des problèmes médicaux ou psychiatriques graves doivent absolument consulter leur médecin généraliste avant de s’engager dans le jeûne.

Florence Bonnardel

J’aime raconter des histoires, recueillir celles des autres, poursuivant inlassablement les mots jusqu'à trouver les plus justes...

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